André Breton - Moins de temps
Moins de temps
Moins
de temps qu’il n’en faut pour le dire, moins de larmes qu’il n’en faut
pour mourir; j’ai tout compté, voilà. J’ai fait le recensement des
pierres ; elles sont au nombre de mes doigts et de quelques autres; j’ai
distribué des prospectus aux plantes, mais toutes n’ont pas voulu les
accepter. Avec la musique j’ai lié partie pour une seconde seulement et
maintenant je ne sais plus que penser du suicide, car si je veux me
séparer de moi-même, la sortie est de ce côté et, j’ajoute
malicieusement: l’entrée, la rentrée de cet autre côté. Tu vois ce qui
te reste à faire. Les heures, le chagrin, je n’en tiens pas un compte
raisonnable; je suis seul, je regarde par la fenêtre ; il ne passe
personne, ou plutôt personne ne passe (je souligne passe). Ce Monsieur,
vous ne le connaissez pas ? c’est M. Lemême. Je vous présente Madame
Madame. Et leurs enfants. Puis je reviens sur mes pas, mes pas
reviennent aussi, mais je ne sais pas exactement sur quoi ils
reviennent. Je consulte un horaire : les noms de villes ont été
remplacés par des noms de personnes qui m’ont touché d’assez près.
Irai-je à A, retournerai-je à B, changerai-je à X ? Oui, naturellement,
je changerai à X. Pourvu que je ne manque pas la correspondance avec
l’ennui! Nous y sommes : l’ennui, les belles parallèles, ah! que les
parallèles sont belles sous la perpendiculaire de Dieu.
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