Edmond JABES 1912 - 1991

Je vous écris d'un monde pesant
Aussi belle que la main de l'aimée
sur la mer.
Aussi seule.

J'écris pour vous. La douleur est un coquillage. On y écoute
     perler le cœur.



J'écris pour vous, au seuil de l'idylle, pour la plante aux feuilles
     d'eau, aux épines de flammes, pour la rose d' Amour.
J'écris pour rien, pour les mots luisants que trace ma mort, pour
     l'instant de vie éternellement dû.

Aussi belle que la main de l'aimée
sur le signe.
Aussi seule.

J'écris pour tous. Je vous écris d'un pays, pesant, comme les pas
     du forçat, d'une ville pareille aux autres, où les cris camouflés,
     se tordent dans les vitrines ; d'une chambre où les cils,
     ont détruit, petit à petit, le silence.                    
Vous êtes, destinatrice prédestinée, ma raison d'écrire ;

l'inspiratrice joyeuse du jour et de la nuit.
Vous êtes le col du cygne assoiffé d'azur.


Aussi belle que la main de l'aimée
sur les yeux.
Aussi douce.

Je vous écris avec la chair des mots accourus, haletants et
     rouges.
C'est bien vous qu'ils entourent. Je suis tous les mots qui m' ha-
     bitent et chacun d'eux vous magnifie avec ma voix. J'ai
     besoin de vous pour aimer, pour être aimé des mots qui
     m'élisent. J'ai besoin de souffrir de vos griffes afin de sur-
     vivre aux blessures du poème.

Flèche et cible, alternativement. J'ai besoin d'être à votre merci
pour me libérer de moi-même.

Les mots m'ont appris à me méfier des objets qu'ils incarnent.
Le visage est le refuge des yeux pourchassés. J'aspire à devenir
     aveugle.

Aussi belle que la main de l'aimée
sur le sourire de l'enfant.
Aussi transparente.

Je songe aux jouets de mes cinq ans. Une fois miens, ils furent
     les maîtres. Je croyais pouvoir, avant qu'on me les offrit,
     les manier à ma fantaisie. Je m'aperçus très vite que je
     pouvais les détruire au gré de mon humeur; mais si
     je les voulais vivants, que je devais respecter leur mécanisme,
     leur âme immortelle.
Ainsi le langage.

Je dois aux mots la joie et les larmes de mes cahiers d'écolier,
     de mes carnets d'adulte.
Et aussi ma solitude.
Je dois aux mots mon inquiétude. Je m'efforce de répondre à
     leurs questions qui sont mes brûlantes interrogations.

EDMOND JABES

http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/jabes/jabesedmond.html

J’ai quitté une terre qui n’était pas la mienne,
pour une autre, qui non plus, ne l’est pas.
Je me suis réfugié dans un vocable d’encre, ayant le livre pour espace,
parole de nulle part, étant celle obscure du désert.
Je ne me suis pas couvert la nuit.
Je ne me suis point protégé du soleil.
J’ai marché nu.
D’où je venais n’avait plus de sens.
Où j’allais n’inquiétait personne.
Du vent, vous dis-je, du vent.
Et un peu de sable dans le vent

 In Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, © Gallimard, 1989
http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2012/05/edmond-jab%C3%A8s-ou-comment-dire-lineffable.html

Une parole sans musique
Une musique sans paroles
Une parole de silence
Un silence sans parole.
Et puis
rien, vraiment
plus rien.
***
Edmond Jabès (1912-1991)Petites poésies pour jours de pluie et de soleil (1991)
 https://schabrieres.wordpress.com/2013/12/23/edmond-jabes-solitude-1991/

Je crois à la mission de l’écrivain. Il la reçoit du verbe qui porte en lui sa souffrance et son espoir. Il interroge les mots qui l’accompagnent. L’initiative est commune et comme spontanée. De les servir - de s’en servir -, il donne un sens profond à sa vie et à la leur dont elle est issue.
Ce temps est loin, trop près.
Moi, Serafi l’absent, je suis né pour écrire des livres.
(Je suis absent puisque je suis le conteur. Seul le conte est réel.) 
http://www.fondationlaposte.org/article.php3?id_article=1412

Le geste d'écrire est geste solitaire.
L'écriture est-elle l'expression de cette solitude?
Peut-il y avoir écriture sans solitude ou encore solitude sans écriture ?
 ...
in De la solitude comme espace d'écriture
http://www.wikipoemes.com/poemes/edmond-jabes/


L'arbre volant


Que les bois aient des arbres,

Quoi de plus naturel ?

Que les arbres aient des feuilles,

Quoi de plus évident ?
Mais que les feuilles aient des ailes,
Voilà qui, pour le moins, est surprenant.
Volez, volez, beaux arbres verts.
Le ciel vous est ouvert.
Mais prenez garde à l’automne, fatale
Saison, quand vos milliers et milliers
D’ailes
                                        redevenues feuilles,
                                                         tomberont.  


Edmond Jabès
http://bibliotheque-romainville.over-blog.com/article-4465349.html

http://www.philosophie-poeme.com/petites-poesie-de-edmond-jabes/petites-poesie-de-edmond-jabes-ciel-et-terre,a3530502.html
http://www.philosophie-poeme.com/petites-poesie-de-edmond-jabes/petites-poesie-de-edmond-jabes-l-ane-en-peine,a3535815.html

http://www.paperblog.fr/dossier/poetes/edmond-jabes/

http://poezibao.typepad.com/poezibao/2008/10/edmond-jabs.html

http://emmila.canalblog.com/archives/poesie____edmond_jabes/index.html

http://www.franceculture.fr/emissions/poeme-du-jour-avec-la-comedie-francaise/edmond-jabes-avez-vous-jamais

http://www.veroniquechemla.info/2012/06/edmond-jabes-lexil-en-partage.html

http://www.universalis.fr/encyclopedie/edmond-jabes/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Edmond_Jab%C3%A8s

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