Zeno Bianu
Il est en 1971 l'un des signataires du Manifeste électrique. En 1973, il séjourne pour la première fois en Inde. L'Orient laissera une empreinte durable sur son écriture de Mantra (1984), La Danse de l'effacement (1990) et au Traité des possibles (1997).
Après un voyage décisif au Tibet en 1986, il s'attache à restituer le chant des poétiques extra-européennes: poètes indiens contemporains dans La Parole et la Saveur (1986), poètes classiques chinois dans La Montagne vide(1987), poèmes d'amour du VIe dalaï-lama dans L'Abeille turquoise (1996), paroles des Indiens précolombiens dans El Dorado.
En 1992, il fonde Les Cahiers de Zanzibar, revue «hors de tout commerce», avec Alain Borer, Serge Sautreau et André Velter. La même année, il traduit, pour une mise en scène de Lluís Pasqual, Le Chevalier d'Olmedo de Lope de Vega, qui sera créé en Avignon. De cette collaboration naîtront également Le Livre de Spencer d'après Christopher Marlowe (1994) et Le Phénix de Marina Tsvétaiéva (1996).
Texte © Editions Arfuyen
http://www.arfuyen.fr/html/ficheauteur.asp?id_aut=1020
REVUE DE PRESSE
L'Atelier des mondes
Poésie 99 (01/06/1999) par Vianney Lacombe
Zéno Bianu écoute dans L'Atelier des mondes la peinture de Vladimir Vélickovic, sa voix en noir et rouge jusqu'au fond de l'abîme, il l'accompagne, «sous les hautes nuées / du sans fond», dans l'ombre la plus sombre de la tragédie, et se laisse entraîner dans les pièges scintillants de l'Enchanteur Richard Texier dont il retrouve la dynamique avec des mots-collages, les «cieux-cavernes, encriers-montagne», ce«tempo ébloui» qui est la marque du peintre.
Cette écoute, cette attentive ardeur à retrouver la source d'où jaillit la peinture, Zéno Bianu nous la fait partager dans ses poèmes consacrés à Lise-Marie Brochen, arrêts sur images suspendues dans l'espace «avec le ciel happé / vers son propre centre», pensée jetée à l'assaut de la lumière, «foudre en eau profonde/ au plus bas du monde/ au plus noir du monde».
Chacune des parties de ce recueil s'ouvre sur un titre qui circonscrit l'univers du peintre comme un blason : La tombée du noir (Vélickovic), Ombre ouverte (Lise-Marie Brochen), Précis de haute enfance(Richard Texier), L'Arrière-ciel (Pierre Dubrunquez). Chacun de ces titres montre le pivot, l'axe sur lequel ces créations s'ancrent et que le poème dévoile.
La haute métaphysique de Pierre Dubrunquez, le jeu de Richard Texier, la tragédie de Vélickovlc, sont ici arrêtés, donnés dans leur dernier lieu, et la force de Zéno Bianu, poète, est d'accepter d'être dépassé par la peinture et de la laisser parler en lui, n'être que la force, la violence, la douceur entendue, murmurée, chuchotée, «le fond du profond» révélé avec les mots cachés de la Voix écoutée dans l'Atelier des mondes.
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PETITE ANTHOLOGIE
L'Atelier des mondes(extraits)
il faut écouter longtemps
tomber la nuit
pour parvenir au noir
au fond noir des choses
saisir
la tombée du noir
de la vie
l'ombre du plus sombre
au plus bas
la suie du désespoir
*
dans la caverne
on avale la nuit
de toutes ses forces
la douleur s'écrit
au plus sombre du temps
jusqu'au bleu du noir
où la main crépite
dans la caverne
tout au fond des nerfs
c'est un espace
à brûler les anges
*
quand l'horizon
s epuise
à l'affût
des voix d'outre-bleu
les copistes de l'abîme
vont à l'origine du livre
hauts récits de ciel
arc-en-nerfs
à bleu ouvert
BLEU KLEIN
Un jour tu es entré dans le bleu
comme on pénètre dans la vraie vie
tu es entré dans le bleu
tu as fait le pari de l’immensité
et ce fut comme un sésame
un passage sur l’autre versant du miroir
ce ciel qui emplissait tout
la respiration des galaxies
la cadence des univers
le souffle magnétique de la Grande Ourse
un jour tu es entré dans le bleu
pour n’en plus jamais revenir
ce bleu ardent électrique
invulnérable
tu t’es plongé dans un bain d’indigo
au centre de l’horizon
pour voir tout en bleu
ligne de ciel
ligne de coeur
pour te faire la belle
la belle bleue
avec tes pinceaux vivants
l’intensité l’intensité l’intensité
pour devenir bleu d’émotion
découvrir ce lâcher de ballons bleus
au fond du cœur
ce saut dans la poésie
où la création recommence
à chaque instant
où l’éternité a la grâce des funambules
une énergie capable de forcer la pesanteur
une vie vouée au judo du bleu
une fête de l’infini
pour les marcheurs d’aurores
ZÉNO BIANU
Passion
c'était on ne sait quoi de submergé c'était
c’était je ne sais quoi comme un frisson d’éclipse
un grand éclat de vide au coeur des densités
un précipice ouvert in the touch of your lips
le coeur qui va le cœur qui voit à coups de sonde
c’était je ne sais guère une étoile transie
c’était je ne sais plus avant les premiers mondes
avant de te connaître et d’oublier la nuit
c’était un abandon aux langues inconnues
une infinie passion pour la parole vive
c’était c’était jusqu’au diamant du leitmotiv
c’était le bel amour vous l’avez reconnu
celui qui n’attend pas le pur l’incontesté
c'était on ne sait quoi de submergé c'était
Zéno Bianu
http://poesiemuziketc.wordpress.com/2012/06/11/zeno-bianu-poemes/
même sombre même nocturne
ma musique vient du jour
elle est un hommage
à la lumière du jour
le jour en révèle
tous les pigments
je tombe dans le jour et je vois
le reflet tremblant des lampions
dans les flaques de néant
* * *
je descends voir
ce que les autres ne voient pas
tombé abandonné basculé cassé chu
défailli descendu
dévalé effondré
renversé abattu abîmé accompli envolé
éteint déposé succombé trébuché versé
jamais jamais
je ne serai
un objet de plus dans le monde
* * *
je joue au bord du silence
chaque note a sa pesanteur
son apesanteur particulière
je ne bavarde jamais
je n’aime pas le brio
le brio c’est toujours l’égo
et ses vieilles lunes
je préfère jouer vers autrui vers l’autre
tendre sereinement mon coeur
oui ma musique s’envole vers autrui
c’est un art de l’envol quoi d’autre
* * *
je tombe
mais je monte comme un ange
je descends
jusqu’au fond du ciel
je ne sens
aucune douleur
aucune
la vie est vivante
si vivante
Chet Baker (déploration) / préface d’Yves Buin.
- Le Castor Astral, 2008. – 113 p.
CREDO [EXTRAIT]
je crois à l’opacité solitaire
au pur instant de la nuit noire
pour rencontrer sa vraie blessure
pour écouter sa vraie morsure
je crois à ces chemins
où le corps avance dans l’esprit
où l’on surprend
le bruit de fond des univers
par ces yeux
que la nuit
a pleurés en nous
par ces yeux que la vie
a lavés en nous
je crois comme Trakl
qu’il faut habiter la lumière
par un long questionnement
sans réponse
je crois à Zoran Music
dessinant ses fagots de cadavres
sur de mauvais papiers
trouvant encore la vie
au fond du désarticulé
au fond de l’incarné
au fond de l’éprouvé
exorciste
vertical
je crois aux cassures
de fièvre
aux sursauts de nuit
aux césures de nerf
je crois
qu’il faut prendre appui
sur le vent
s’agenouiller en mer
et se vouer
à l’infini
Zéno Bianu, Infiniment proche (poème), Éditions Gallimard,
Collection L’arbalète, 2000, pp. 122-123-124.
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L’INÉPUISABLE
à Jacques Lacarrière
i.m.
Sans jamais me résoudre
à combler un désert
ni me rassasier de mourir
Maria Ángela Alvim
Voyez
écoutez
c’est un tournoiement sans fin
dans cette mort
rien de triste
disait Van Gogh à son frère Théo
avant d’entrer dans la nuit
avec ses doigts de vision
dans cette mort
juste
la traversée du souffle
Voyez
écoutez
c’est un murmure multiple
des secrets endormis
surgissent
comme une danse de lucioles
on entend
la vraie chair de la parole
on entend soudain
la brèche qui nous saisit
Voyez
écoutez
c’est la voix de la voix
cette peau sonore
dont parle René Daumal en funambule
cette peau
ouverte au fond du cœur
au bord de la vie
cette peau
que nous pouvons enfin revêtir
pour de bon
[...]
Voyez
écoutez
Icare aux bras cassés
n’en finit pas
de voler
il écrit dans le ciel
à haute voix
que nous sommes les vrais dieux
les seules étoiles
sous la voûte du cirque
[...]
Zéno Bianu, Le Désespoir n’existe pas, Gallimard, 2010, pp. 41 à 44
DU PLUS LOIN…
du plus loin des voix éteintes
les étoiles à nu
blanches de langues
en amont du sans-fin
qui creuse les tempes
un devenu-ciel anéanti
comme on agrippe sa naissance
Zéno Bianu, Fatigue de la lumière, Granit, 1991, page 13.
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"Poudre d’infini" de Zéno Bianu, poème issu de "La troisième rive" lu par Elsa Lepoivre
Une biographie de Zéno Bianu
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