Le Fabuliste improvisé - Jean Anouilh

Le fabuliste improvisé - Fable


Fable / Poémes d'Jean Anouilh

Comme il est affable,

Depuis qu'il écrit des fables!

Se dit ma famille in petto.

Ils se réjouissent trop tôt.

On est bien plus nerveux lorsqu'on écrit des

pièces...
Au théâtre, tout ce qui est bon est donné.
Les scènes réussies sont nées dans l'allégresse

Et la facilité.
C'est un cadeau, toujours.
Après, on calfate avec plus ou moins d'adresse

Et d'amour.

Mais ce bonheur qu'il faut avoir chaque matin

Sous peine de n'avoir plus rien,

Vous laisse parfois vers midi, pas rasé,

L'air d'un vieux hibou épuisé.

Et les enfants, que d'autres soucis pressent,

N'ont jamais trop aimé les pères titubants



D'ambroisie — qui visent sournoisement la fesse

Au moindre propos discordant.

Avec la fable —

Un fabuliste étant par définition, souriant

Et aimable —

L'effort aussi étant moins grand,

Les luttes homériques à table

Me laissent indifférent.

Je file entre mes dents un vers, comme un gâteux

(Il faudra que je me surveille),

En coupant le gigot juteux

Ou les parts strictement pareilles

De la tarte, objet du litige.

Pourtant je sens s'enfuir mon reste de prestige...

«Pourquoi n'écris-tu plus de pièces ? »

M'a demandé
Nicolas, tout de go,

Moi qui me crois
Victor
Hugo,

Œuvrant, face à la mer dans ma petite pièce,

Sur son rocher de
Guernesey

(La conjoncture politique

Rappelant, par ailleurs, le règne de la trique),

Je réponds supérieur :

«Non, vois-tu, cet été,

J'ai décidé

(J'ai l'air badin et amusé —

Ça me va bien) que j'écrirais plutôt des fables. »

«Tu m'en montres une ?» —

«Elles ne sont pas

pour enfants. »



Je le sens surpris :
Pourtant une fable...

Et puis, il les voit posées sur ma table.

Je cherche un peu :

«Tiens celle-là, tu peux la

lire. » (Je vais voir ce que rend ma lyre.)
Il commence; il lit mal.
Mais cette voix d'enfant
Qui ânonne chantante, un peu fausse, incertaine,

Souvenir des classes lointaines,

C'est la musique composée depuis trois cents ans

Par les écoliers français pour
La
Fontaine...

Je sens que je n'y ai pas droit.

Je l'interromps, le désolant;

Et me désolant par surcroît.

Il sort.
Je reviens à ma table

Où mon papier est toujours blanc.

Ne forçons point notre talent,
Comme on dit dans une autre fable.

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http://www.wikipoemes.com/poemes/jean-anouilh/

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