Sylvia PLATH 1932 1963



PARIS 1956
Lettre d'Amour

Pas facile de formuler le changement que tu as fait en moi.
Si je suis en vie maintenant, j'étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, indifférente totalement,
je restais là immobile suivant mon habitude.
Tu ne m'as pas seulement bougée d’un pouce, non -
Ni même laissé ajuster mon petit Œil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, bien sûr,
De pouvoir saisir le bleu, ou les étoiles.
Ce n'était pas ça. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires comme une roche noire
dans le hiatus blanc de l'hiver -
Comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement polies
Qui se posaient à tout moment afin de faire fondre
Ma joue de basalte. Et elles devenaient larmes,
Anges pleurant sur des natures monotones,
Mais je n'étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une visière de glace.
Et je continuais de dormir, comme un doigt tordu
La première chose que j'ai vue n'était que de l'air pur
Et ces gouttes enfermées qui montaient en rosée,
Limpides comme des esprits. Tout alentour
Beaucoup de pierres compactes et inexpressives
Je ne savais pas quoi faire de cela.
Je brillais, écaillée de mica,
et déroulée pour me déverser tel un fluide
Parmi les pattes d'oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’étais pas laissé berner. Je t'ai reconnu aussitôt.
L'arbre et la pierre scintillaient, sans ombres.
La longueur de mes doigts a grandi, lucide comme du verre.
J'ai commencé à bourgeonner comme rameau de mars :
Un bras et une jambe, un bras, une jambe.
De pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l'air, âme tournoyante,
Aussi pure qu'un pain de glace. C'est un don.

SYLVIA PLATH

http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/plath/plath.html

http://agora.qc.ca/thematiques/mort/dossiers/plath_sylvia

http://terreaciel.free.fr/feuilles/plath.htm

http://poezibao.typepad.com/poezibao/2011/05/la-traduction-dariel-de-sylvia-plath-par-val%C3%A9rie-rouzeau-parait-aujourdhui-en-poche-dans-la-collection-po%C3%A9sie.html
Coquelicots en octobre

Même les nuages au soleil de ce matin ne savent inventer de telles jupes
Ni la femme dans l’ambulance
Dont le cœur rouge fleurit incroyablement son manteau —

Un don, un don d’amour
Qu’aucun ciel
Au feu blafard

Qui brûle son oxyde de carbone, que nuls yeux
Éteints sous des chapeaux melons
N’ont jamais demandé —

Oh mon dieu que suis-je
Si ces bouches tardives s’ouvrent pour crier,
Dans une forêt froide, une aurore de chardons.

|•|

Coquelicots en juillet

Petits coquelicots, petites flammes d’enfer,
Vous ne faites pas mal ?

Vous tremblez. Je ne sais pas vous toucher.
Je mets les mains dans les flammes. Rien ne brûle.

Et cela m’épuise de vous regarder
Trembler comme ça, rouge vif et froissés comme une bouche.

Une bouche que l’on vient d’ensanglanter.
Oh petites jupes sanglantes !

Il y a des vapeurs que je ne peux toucher.
Où est votre opium, où sont vos capsules écœurantes ?

Si je pouvais saigner, ou dormir ! —
Si ma bouche pouvait épouser une blessure pareille !

Ou vos sucs distiller pour moi, dans cette capsule de verre
Une stupeur, un apaisement

Mais pas de couleur. Pas de couleur

Sylvie Plath, Ariel, présentation et traduction de Valérie Rouzeau,



https://fr.wikipedia.org/wiki/Sylvia_Plath

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