Stendhal 1783 - 1842




Première étreinte... - Poéme


Enfin, souffrant plus mille fois que s'il eût marché à la mort, il entra dans le petit corridor qui menait à la chambre de madame de
Rénal.
Il ouvrit la porte d'une main tremblante et en faisant un bruit effroyable.



Il y avait de la lumière, une veilleuse brûlait sous la cheminée ; il ne s'attendait pas à ce nouveau malheur.
En le voyant entrer, madame de
Rénal se jeta vivement hors de son lit.
Malheureux ! s'écria-t-elle.
Il y eut un peu de désordre.
Julien oublia ses vains projets et revint à son rôle naturel : ne pas plaire à une femme si charmante lui parut le plus grand des malheurs.
Il ne répondit à ses reproches qu'en se jetant à ses pieds, en embrassant ses genoux.
Comme elle lui parlait avec une extrême dureté, il fondit en larmes.



Quelques heures après, quand
Julien sortit de la chambre de madame de
Rénal, on eût pu dire, en style de roman, qu'il n'avait plus rien à désirer.
En effet, il devait à l'amour qu'il avait inspiré et à l'impression imprévue qu'avaient produite sur lui des charmes séduisants, une victoire à laquelle ne l'eût pas conduit toute son adresse si maladroite.



Mais, dans les moments les plus doux, victime d'un orgueil bizarre, il prétendit encore jouer le rôle d'un homme accoutumé à subjuguer des femmes : il fit des efforts d'attention incroyables pour gâter ce qu'il avait d'aimable.
Au lieu d'être attentif aux transports qu'il faisait naître, et aux remords qui en relevaient la vivacité, l'idée du « devoir » ne cessa jamais d'être présente à ses yeux.
Il craignait un remords affreux et un ridicule éternel, s'il s'écartait du modèle idéal qu'il se proposait de suivre.
En un mot, ce qui faisait de
Julien un être supérieur fut précisément ce qui l'empêcha de goûter le bonheur qui se plaçait sous ses pas.
Stendhal

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