Jacques Prevel 1915 1951


Et je suis las de cette brume qui s'efface
Je suis fatigué de cette misère
Et j'imagine un amour où je pourrais vivre sans pleurer
J'imagine un pays où je pourrai mourir sans regret.


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Enfant je me suis étonné
De me retrouver en moi-même
D’être un parmi les autres
Et de n’être que moi pourtant.
Plus tard je me suis rencontré
je me suis rencontré comme quelqu’un qu’on croyait mort
Et qui revient un jour vous raconter sa vie
Et ce mort en moi-même m’a légué son passé
je suis devenu un inconnu pour moi
Vivant à travers lui
Chargé de son message irréel et pesant.
Et la Peur est venue
De mon exil et de ce vide autour de moi
Du son de mes paroles qui n’atteignaient personne
Et de mon amitié incomprise et laissée
J’ai compté ceux qui sont venus
J’ai compté ceux qui sont partis
Ceux qui sont restés partiront.
Poèmes mortels (1945)

DANS LE TEMPS DANS LA NUIT
Dans le temps dans la nuit
Je te parlerai
Dans le temps dans la nuit je pourrai répondre à voix basse
Le seul moment que la vie m'a volé
Dans le temps dans la nuit je retrouverai ton visage
Et la forme de mon visage
Je te parlerai dans le temps je te parlerai dans la nuit
J'écarterai enfin l'affreuse douleur de mon silence
J'écarterai enfin les jours mortels
Je te parlerai hors du temps je te parlerai dans la nuit
J'effacerai les traces amères de l'oubli
Dans mes deux mains ouvertes je prendrai ton visage
Ton seul visage d'un instant mortel
Je te parlerai hors du temps j'écarterai la nuit
Je reprendrai les mots absolus
Pour te les dire enfin avec ma voix pareille
A la lumière


http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/prevel/prevel.html



JACQUES PREVEL - J’ai été lâche

J’ai été lâche et j’ai mesuré la vie
Comme un Démon j’ai mesuré la douleur
Et maintenant que je suis vaincu
Et que tout cela me semble inutile
Je suis comme un avare dans la nuit
Avec ces pauvres choses leurs larmes et leur
désespoir
La pluie tombe et je suis presque sans remords
Et pourtant demain je serai seul encore en face
de moi
Seul dans l’implacable moment
Seul et désespéré d’avoir triché avec leurs larmes
Et le temps me rendra ces larmes
Le temps me rendra goutte à goutte toutes ces
larmes
Toutes leurs plaintes et je n’aurai plus jamais
confiance
Car j’ai triché
Pour toute mémoire j’ai triché

(vu sur espritsnomades)

Si l’on me cherche…
On me trouvera dans l’inutile
Dans un mot qui n’a pas de sens
Un mot qui n’a pas de raison.

Ainsi parle un de ses poèmes, cherchons-le non pas comme le miroir compatissant d’Antonin Artaud, comme son maladroit disciple, mais comme un homme « entre colère et haine » et surtout hanté par l’absolu.
Je me souviendrai de toi
Je me souviendrai de toi
Comme on se souvient des malheurs
Comme on se souvient des grands espaces
Comme on se souvient de la mer
Tu m’as frappé et mon sang a dessiné ton visage
Je t’ai frappé et ton sang a dessiné mon visage
Nous avons connu la joie
Tu es venue et le monde a vécu de cet instant
Tu es venue, tu es venue
Et les souvenirs m’entraînent comme la boue ou
comme le sable
Il ne reste que mes bras émergeant de mes regrets.
Recueil : "Poèmes mortels"
Le choix de quelques textes qui émergent de ses trois recueils fort inégaux rendra un peu justice à celui qui se voulait poète maudit, et qu’il est devenu.



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